RÔLE DES BANQUES ET TONTINES DANS LA STIMULATION DE L’ECONOMIE CAMEROUNAISE 

Source : Siège de la BEAC au Cameroun par Investir au Cameroun

Par Bienvenue Amani-Guessing, Okwelians Fellow 2022

Source : EcoMatin, Tontines, mutuelles, ONG

            Toutes les 22 banques installées au Cameroun[1], à travers la BEAC ont un rôle principal qui est celui de la stabilisation de la politique monétaire. Au moment où le Cameroun traverse de multitudes crises (Sécuritaires, économiques et sanitaires etc…) qui fragilisent sa stabilité, il est nécessaire de repenser à une relance de son économie. La relance économique renvoie à un ensemble de mesures politique, économique visant à stimuler l’économie d’un pays lors d’une période de creux[2]. Cette stimulation consistera à prendre soit des mesures de relance budgétaire d’une part et/ou des mesures de relance monétaire.

            Dans le cadre général de la stabilisation de la politique monétaire, la politique de relance budgétaire n’est plus vue comme un instrument de stabilisation de l’ensemble de l’économie d’un Etat, du fait des doutes quant à la capacité à régler des mesures budgétaires de façon à atteindre le degré de stabilisation souhaité et en raison des préoccupations relatives aux déficits budgétaires. Au fil des années, l’objectif de stimulation et ou de stabilisation de l’économie tend à être calqué sur la politique monétaire. En Afrique, les tontines représentent également un mécanisme financier informel permettant également de financer les activités économiques.

            La présente note est construite, pour mettre en exergue le rôle des banques dans la stabilisation de l’économie camerounaise, en particulier à travers les instruments de la politique monétaire d’une part. Elle vise aussi à montrer le rôle des tontines comme outils de relance économique d’autre part.

  1. MECANISMES DE LA POLITIQUE MONETAIRE

            En fonction du comportement des agents économiques, les banques mettent sur pied divers mécanismes pour venir à bout de la hausse généralisée des prix. Pour le cas actuel du Cameroun, l’application de la politique monétaire par le biais des canaux de taux d’intérêt, du taux de change et du taux d’intérêt bancaire parait plus importante.

  1. Canal du taux d’intérêt

            C’est le principal mécanisme de transmission de la politique monétaire dans le modèle de base IS/LM[3]. Ce concept consiste pour les banques, en la réduction des taux d’intérêts réels pour accroitre la politique monétaire. Ceci entraîne également une augmentation des dépenses d’investissement et un accroissement de la demande globale et de la production.

            La mise en pratique de ce mécanisme par les banques installées au Cameroun permet de couvrir l’inflation[4] portée par la hausse des prix des denrées alimentaires (Pains, céréales, légumes, poissons, viandes…), des articles d’habillement, du logement, d’eau, et d’électricité.

            A l’origine Keynes[5] avait présenté ce modèle principalement par l’intermédiaire des dépenses des entreprises en matière de dépense d’investissement. Aujourd’hui, il s’applique bien aux investissements d’acquisition de bien de consommation durable des ménages et des investissements en logement.

            En effet, c’est le taux d’intérêt réel et non nominal qui influence sur les dépenses. Cette influence est un mécanisme de stimulation de l’économie par la politique monétaire, même si les taux d’intérêts nominaux atteignent un seuil nul de zéro.

            Illustration

         En date du 10/08/2020, M. Bouba effectue un emprunt bancaire pour ses  achats (produits alimentaires) au taux de remboursement de 5%, auprès de sa banque. Le 10/08/2021 au moment du remboursement, l’on constate une inflation de 2%.

            Monsieur Bouba ne supportera plus le payement d’intérêt au taux de 5%. Le nouvel taux sera calculé par la banque ainsi qu’il suit :

Intérêt réel =  intérêt nominal – Taux d’inflation

Soit : (5%-2%) = 3%.

            En tenant en compte l’inflation, le nouvel taux d’intérêt applicable à M. Bouba sera de 3%.

  • Canal du taux de change

            L’internationalisation de l’économie camerounaise nécessite la transmission de la politique monétaire à travers l’influence des taux de change sur les exportations nettes. Ce canal fait aussi intervenir  les effets du taux d’intérêt. Car la baisse des taux d’intérêt réels nationaux entraine inéluctablement la baisse des dépôts nationaux. Ce qui entraine une chute de la valeur des dépôts en FCFA par rapport aux dépôts en devises. Malgré que le FCFA soit adossé à l’Euro, nous pensons que la dépréciation de la monnaie nationale abaisse les prix des biens nationaux par rapport aux biens étrangers, ce qui se traduit par une augmentation des exportations et donc de la production globale.

            En effet, ce mécanisme s’explique principalement par la vente des produits issus du Bois, du Coton, du Cacao, du Ciment et autres ressources. En Chine, ce système encouragerait les PME à produire en grande masse afin de réduire les importations, et d’encourager de plus en plus les exportations des produits finis et non des matières premières. Cette production de masse va permettre en même temps de satisfaire la demande nationale. Notons que le mécanisme du taux de change est régit par la banque centrale et appliqué par les banques secondaires qui jouent un rôle d’intermédiation.

  • Canal du taux d’intérêt bancaire

            Les PME inondent le secteur des entreprises au Cameroun. N’ayant pas accès aux marchés de crédit, celles-ci sollicitent pour la plupart les banques, pour divers emprunts.

Ce canal agit de la façon suivante, une politique monétaire expansionniste, qui contribue à accroître les réserves et les dépôts bancaires, augmente la qualité des prêts bancaires disponibles. L’augmentation du volume des prêts conduit à une hausse des dépenses d’investissement et de consommation.

            La politique monétaire aura une incidence plus forte sur les dépenses des petites entreprises, qui dépendent d’avantages des prêts bancaires, que sur les grandes entreprises qui ont directement accès aux marchés de capitaux, sans avoir à solliciter les banques.

            Nous interpellons donc les banques installées au Cameroun à ouvrir leur porte aux jeunes entrepreneurs camerounais, pour leur besoin de financement. La banque UBA est un exemple à travers son programme  Tony Elumelu Foundation[6] (TEF) organisé chaque année pour le financement de projets des jeunes entrepreneurs africains. De même, au Cameroun,  Afriland First Bank a récemment signé une convention avec la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA) pour l’accompagnement des PMEs[7].

            Les canaux de transmission de la politique monétaire développés ci haut sont généralement décidés par la banque centrale. De ce fait, leur mise en application par les banques secondaires parait de plus en plus difficile et a très peu d’impact sur la couche de la population défavorisée.

Source : Le Magazine du Manager, Les banques et établissement de crédit
  1. MECANISME TRADITIONNEL : LES TONTINES

            Le système financier bancaire n’étant pas accessible à tout le monde, certaines entreprises et groupes de personnes dans plusieurs pays africains et camerounais en particulier, ne cessent de dépendre des circuits financiers informels. Les tontines semblent connaitre dans ce sens, une popularité qui ne faiblit pas.

  1. Définition et types de tontines

            Selon Zygmunt Bouman (1997)[8] : « les tontines sont des associations regroupant des membres d’un clan, d’une famille, des voisins ou des particuliers, qui décident de mettre en commun des biens ou des services au bénéfice de tout un chacun, et cela à tour de rôle ». Selon lui, la tontine africaine remonte à 1952 au Nigéria. Aujourd’hui, il est pratiqué par la majorité de la population camerounaise.

            Selon Bekolo-Ebe, B. (1991)[9], il faut distinguer entre autres, trois types de tontines :

  • Les tontines mutuelles : elles reposent sur la solidarité entre membres qui se connaissent bien ;
  • Les tontines commerciales : ici, un tiers prend l’initiative de création d’un groupe et joue le rôle d’un banquier en prélevant à chaque contributeur une commission pour le service qu’il rend ;
  • Les tontines financières : c’est la forme la plus répandue au Cameroun et est pratiquée par les Bamilékés. Elle consiste à mettre aux enchères selon des modalités statutairement définies les dépôts des adhérents.

            Pour stimuler l’économie, le mécanisme de la tontine dégage plusieurs finalités.

Finalités de la tontine

            Pour Nzemen (1988)[10], le taux de participation des camerounais aux organisations tontinières est de 47%. Il indique que les associations tontinières ont vu le jour dans les sociétés traditionnelles et n’ont commencé à opérer dans les zones rurales que sous forme de « tontines de travail ».

            Les tontines ont premièrement pour rôle de renforcer les liens des adhérents, contrairement au système bancaire dans lequel le lien social est quasiment inexistant. Par exemple, lorsqu’un membre d’une tontine est malade, les autres se constituent pour lui rendre visite et l’assister financièrement, moralement et/ou matériellement. Même s’il peut quelques fois arriver qu’un membre n’honore pas ses engagements, il y existe une certaine sécurité des actifs, en raison de la sacralité du groupe.

            La tontine permet deuxièmement au groupe de mener des activités économiques, soit de créer une entreprise, soit de monter des projets ou d’acheter des vivres. Par exemple en cette période de crise, plusieurs constituent une tontine pour payer des dettes, s’acheter des morceaux de savons et des bouteilles d’huiles pour leurs familles. Chez les bamilékés par exemple,    l’argent des tontines est utilisé pour financer les études de leurs enfants et même pour exercer des grandes activités commerciales.

            La tontine au Cameroun, joue également un rôle financier dans la mesure où la participation de chaque membre est considérée comme une épargne pouvant être redistribuée à tour de rôle. Des négociations peuvent avoir lieu pour prendre le tour de tel ou tel autre membre.

Les tontines tendent à se pérenniser en véritables institutions sociales. Le système bancaire ne reflétant pas les éléments de la culture locale, il ne pouvait qu’être bâti sur la méfiance, le paraitre, l’entregent en lieu et place de la confiance, de la valeur intrinsèque, de la caution morale, toutes choses chères aux tontines[11].

SOURCE : EcoMatin, Tontines, Mutuelles, ONG

CONCLUSION

            Le mécanisme de stabilisation par la politique monétaire est existant et a une place prépondérante pour les grandes entreprises et pour la partie de la population qui a accès aux financements bancaires pour exercer des grands investissements. Pour parvenir à cette stabilisation monétaire globale au Cameroun, nous pensons que le système financier tontinier occupe également une place de taille, surtout pour la grande majorité des ménages n’ayant pas accès aux établissements bancaires.

            Le choix de ces mécanismes a été fait en fonction des situations inflationnistes que traverse notre pays le Cameroun, et des besoins d’investissements qu’expriment davantage les jeunes.

            De façon générale, c’est la circulation de la monnaie qui facilite les transactions, favorise l’investissement et accroît la consommation. C’est l’ensemble de ces trois éléments qui permettent de lutter contre l’inflation.

Biographie :

Bienvenue Amani-Guessing est Gestionnaire de Fonds Commerce junior à Afriland First Bank, Il intervient à titre bénévole comme gestionnaire de trésorerie à Garizim Foundation, une association de jeunes chrétiens qui ont à cœur d’apporter une assistance sociale aux jeunes défavorisés. Né le 08 Août 1997 à Gatouguel, un petit village du Nord-Cameroun, il est titulaire d’un Master en Sciences de Gestion option comptabilité-contrôle-audit obtenu à l’Université de Ngaoundéré. Passionné par le métier bancaire, son rêve dans le domaine social est d’impacter les jeunes en les inculquant des valeurs morales et citoyennes. Pour son pays, la lutte contre les détournements des biens publics est un défi à relever.

https://www.linkedin.com/in/amani-guessing-bienvenue-990741123

https://www.facebook.com/bienvenue.amani.3192


[1]« Banque au Cameroun » africannuaire, 2022, https://africannuaire.com/resultat/?infos=Banques&ville=Cameroun. Consulté le 15/08/2022.

[2] « Politique de relance. », Wikipedia, Wikipedia foundation, 11/08/2022, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Politique de relance

[3] Marchés des biens et de service (IS) et le marché de la monnaie (LM)

[4] Hausse généralisé des prix

[5]  Frederic S., Mishkin. « Les canaux de transmission monétaire : leçons pour la pratique monétaire » bulletin de la banque de France, No. 27, mars 1996, pp. 91-105.

[6] « The Tony Elumelu Foundation. »,  https://www.tonyelumelufoundation.org/. Consulté 15/08/2022.

[7] « Financement islamique : Afriland First Bank obtient une ligne de crédit de 26,2 milliards de FCFA au profit des PME camerounaises.», Eco matin, 2022, https://ecomatin.net/financement-islamique-afriland-first-bank-obtient-une-ligne-de-credit-de-262-milliards-de-fcfa-au-profit-des-pme-camerounaises/ . Consulté le 15/08/2015.

[8] « Les tontines dans les pays en développement. », gdrc,  https://www.gdrc.org/icm/french/matthieu/section-2.html#:~:text=Cette%20definition%20est%20proche%20de,cela%20a%20tour%20de%20role%20%C2%BB.  Consulté le 15/08/2022.

[9] Bekolo-Ebe B. (1991) « Enquête sur les tontines dans les provinces du centre, du littoral, de l’ouest et du nord-ouest », notes de recherche n°91-22, UREF/AUPELF.

[10] Nzemen, M. (1988), théorie de la pratique des tontines au Cameroun, Yaoundé, SOPECAM, pages 23.

[11] Kemayou Roger Louis et al. (2011), Tontines et banques en contexte camerounais, revue de science de gestion page 163-170

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